Mario Telò est professeur à la LUISS et l’ULB, Président émérite IEE-ULB. Il est membre de l’académie Royale de Belgique. 


 La mort inattendue de David Sassoli, président du Parlement européen, nous laisse le souvenir d’un sourire inoubliable et d’une personnalité idéaliste, dotée d’une dignité et cohérence rares. Affable, facilitateur, même doux (‘mite’, selon l’ancien président de la Commission, Romano Prodi), capable de concilier la disponibilité au dialogue et l’importance du coté émotionnel de la politique avec la fidélité à ses principes. Sassoli a fait l’objet d’innombrables hommages, très variés, et parfois très émouvants : une assemblée spontanée à Bruxelles devant le Parlement européen, le jour même de sa mort ;  des discours non formels de la part de toutes les autorités européennes ; les éloges et souvenirs de parlementaires italiens, y compris de ses ennemis politiques.  

 

 Du journalisme à la vie politique 

David Sassoli est né en 1956 en Italie. Après ses études en sciences politiques, il a d’abord mené une excellente carrière de journaliste, qui l’a conduit à la vice-direction du journal télévisé de la RAI1 et à des combats mémorables pour la liberté de la presse et du service public. En 2009, il est élu pour la première fois membre du Parlement européen dans le groupe du Parti démocrate. Cinq ans plus tard, il est élu Vice-Président du Parlement européen et en deviendra le Président en 2019 jusqu’à sa mort.     

David Sassoli a renouvelé, dans le contexte actuel, l’idée fédéraliste de la centralité du Parlement européen dans le système de l’UE, une perspective largement partagée et particulièrement soutenue par des personnalités italiennes comme Altiero Spinelli, à qui est dédié le building du Parlement à Bruxelles. 

Une présidence perturbée par la crise du covid 19 

En 2019-2020, Sassoli a négocié avec le Conseil le Recovery Plan (Next generation EU) dont il a immédiatement saisi et soutenu l’importance historique. Durant une présidence fortement affectée par la crise sanitaire du covid 19, il a marqué les esprits en décidant de mettre à disposition les locaux désertés du Parlement, tant à Strasbourg qu’à Bruxelles, pour la préparation et distribution de repas pour les personnes en situation de précarité, l’installation d’un centre de testing et aussi pour accueillir des femmes vulnérables. Cette décision est à l’image de son engagement pour la justice sociale, certainement influencée par son inspiration catholique de gauche : Don Milani. 

Le Parlement européen comme ‘phare de la démocratie’ 

Il a également développé le rôle du Parlement européen, en mettant au centre la question de la légitimité de l’Union européenne, tant à l’intérieur de l’Union qu’au niveau des relations internationales. Son idée principale était de qu’il revenait avant tout au Parlement d’approfondir la dimension normative de l’UE – état de droit et droits fondamentaux –  par des actions, qui auraient renforcé la légitimité de l’Europe auprès de ses citoyens.  

Son idée principale était de qu’il revenait avant tout au Parlement d’approfondir la dimension normative de l’UE – état de droit et droits fondamentaux – par des actions, qui auraient renforcé la légitimité de l’Europe auprès de ses citoyens. 

Au niveau mondial, il voyait le Parlement européen comme un phare de la démocratie. Cette vision s’est notamment illustrée en 2021 lorsqu’il a condamné les sanctions prises par la Chine à l’encontre de plusieurs parlementaires qui dénonçaient les  nombreuses atteintes aux droits fondamentaux subies par la minorité ouïghoure dans la province de Xinjiang. En outre,  il a également été banni la même année de la Russie, en conséquence de sa défense des droits de l’opposition, récemment confirmée par le prix Sakharov décerné par le Parlement européen en 2021, au leader emprisonné Alexei Navalny.  


Photo: © European Union 2019 – Source: EP