Ramona Coman est professeure de sciences politiques, présidente de l’Institut d’études européennes (IEE-ULB) et membre du Cevipol (Centre d’études de la vie politique). Elle est coordinatrice du module Jean Monnet Etat de droit et confiance mutuelle dans la gouvernance mondiale et européenne (599377-EPP-1-2018-1-BE-EPPJMO-MODULE) 


Lors de la signature des traités instituant les Communautés européennes dans les années 50, d’un côté les élites politiques de l’époque se préoccupaient davantage de la paix et de la liberté en Europe, alors que de l’autre le Conseil de l’Europe avait fait de la promotion de la démocratie son objectif principal. Le caractère démocratique des États membres n’est devenu un problème qu’à partir de 1962 que lorsque l’Espagne franquiste a demandé pour la première fois de rejoindre les communautés européennes. Bien que les traités fondateurs ne mentionnent aucun critère d’élargissement spécifique, les membres de l’Assemblée parlementaire avaient alors insistés sur l’importance de la démocratie en tant que condition sine qua non de l’adhésion de nouveaux Etats membres. Au fil des années, les exigences démocratiques ont été affirmées dans de nombreuses déclarations [1], et ont occupé de plus en plus de place dans les pages des traités, à commencer par les préambules et progressivement intégrées dans les articles 2 TUE et 7 TUE, ainsi que dans les dispositions correspondantes des politiques internes et externes de l’Union européenne afin de renforcer l’identité politique de l’Union.

Au cours des dernières décennies, les transformations survenues en Pologne, en Hongrie et en Roumanie ont avancé la question des valeurs européennes sur l’agenda de l’UE. Les changements apportés aux systèmes judiciaires dans ces pays ont amené certains chercheurs à penser que l’UE est confrontée à une crise existentielle, avec « des implications de grande portée pour le projet européen car sans valeurs communes, il y a moins de raisons pour que l’UE existe » (Pech et Scheppele 2017: 8).

Dès 2011, le gouvernement hongrois dirigé par Viktor Orban (Fidesz) a introduit d’importants changements dans le cadre juridique du pays. Deux exemples en sont les compétences de la Cour constitutionnelle hongroise qui ont été limitées à la suite de la réforme de la Constitution et d’une politique abaissant l’âge de retraite obligatoire des juges, procureurs et notaires de 70 à 62, ayant par la suite entraîné la mise à la retraite anticipée de 236 juges. Depuis lors, la situation en Hongrie s’est encore détériorée, comme indiqué dans le rapport adopté par le Parlement européen (rapporteur, Judith Sargentini) en septembre 2018, invitant le Conseil à appliquer l’article 7, qui sanctionne les États membres qui ne se conforment pas aux valeurs énoncées à l’article 2 TFUE.

Le gouvernement polonais a suivi une voie similaire. À partir de 2015, le parti pour le Droit et la Justice (PiS) a fait valoir la nécessité de changements en profondeur du système judiciaire afin de révoquer les juges qui ont servi pendant la période communiste. Et alors que le PE enclenchait le processus de l’article 7 contre la Hongrie, le 20 décembre 2017 la Commission en faisait autant contre la Pologne.