François Catteau est assistant de recherche et de coordination pour ECLAN, et diplômé de l’IEE-ULB du Master de spécialisation en analyse interdisciplinaire de la construction européenne


L’impacte du dans l’espace pénal européen

Le 25 et le 25 avril 2019, le European Criminal Law Academic Network (ECLAN) a tenu une conférence portant sur le futur de l’espace pénal européen dans le contexte du Brexit.

Quelles sont les perspectives futures concernant la police et la coopération judiciaire ? Sur quels mécanismes seront basés la collaboration entre le Royaume-Uni et l’Union européenne concernant le rassemblement de pièces à conviction et l’extradition des suspects ? Quelle est l’opinion de travailleurs du service public anglais, de travailleurs de Europol, de travailleurs de Eurojust et d’académiques sur les impacts concrets du Brexit sur la loi pénale européenne ? Est-ce que le Brexit va vraiment être réalisée ? … Beaucoup de questionnements furent abordées et débattus dans le prestigieux auditorium du Ministère de la Justice belge.

Premier acte

Il devait être 9h30 lorsque Anne Weyembergh et Chloé Brière cédèrent la parole aux intervenants de la matinée après un bref récapitulatif de la saga du Brexit. Compte tenu du fait que la période de négociation a été étendue jusqu’au 31 octobre 2019, les discussions promettaient d’être basées essentiellement sur des hypothèses, mais s’avérèrent tout autant passionnantes.

L’échauffement était maintenant terminé et nous pouvions entrer dans le vif du sujet de la première session, à savoir l’avenir de la coopération policière entre le Royaume-Uni et l’Union. L’ex-président d’Europol, Rob Wainwright, et la Professeure Saskia Hufnagel de l’Université de Queen Mary se chargèrent de planter le décor et d’envisager les multiples scénarios possibles. Deal ou pas, Brexit ou pas, les deux intervenants présentèrent un aperçu très clair et complet du contenu possible des futures relations entre l’UE et le Royaume-Uni dans le domaine.

Après la pause-café, les débats prirent une dimension plus pratique. Hazel Cameron, membre de la représentation permanente du Royaume-Uni devant l’UE prit la parole et exposa courageusement le travail effectué par les deux parties pour arriver à un accord et prévoir les différentes situations possibles en cas de « No-deal ». Le Professeur émérite, Cyrille Fijnaut (Université de Tilburg) et le Professeur Paul Swallow de l’Université de Canterbury émirent toutefois quelques réserves à ce propos. C’est alors que Martin Van Steenbrugge, membre d’une unité spéciale de la police fédérale belge (FAST), intervint pour présenter un cas concret et bien réel pour illustrer la nécessité absolue de coopérer entre autorités policières européennes et internationales. Nul doute que l’assemblée fut captivée par les propos de cet homme de terrain.

Un dialogue entre amis de longue date

Lors de cette édition de la conférence annuelle, Eclan fut très heureux d’accueillir les ministres de la justice de Belgique et du Luxembourg. Koen Geens et Félix Braz se connaissent et s’apprécient depuis longtemps. Il ne fut pas surprenant de les entendre parler d’une même voix lors de leurs interventions respectives. Ainsi, ils répétèrent à l’envi que le Brexit provoquera des conséquences néfastes – sous-estimées par les partisans d’un Brexit dur – pour l’Union et, plus encore, pour le Royaume-Uni dans tous les domaines, y compris la justice pénale.

Comment et « par quoi » remplacer des instruments européens de coopération judiciaire qui ont fait leurs preuves ?

La deuxième session de la conférence était dédiée à l’impact du Brexit sur la future coopération judiciaire entre les deux parties. Après les remarques introductives de Daniel Flore, Professeur à l’Université de Liège et Directeur général au SPF Justice, et Martijn De Grave, en charge du suivi du Brexit au sein de la représentation permanente des Pays-Bas auprès de l’UE, il fût question du mandat d’arrêt européen – instrument emblématique de la coopération judiciaire européenne – et de sa viabilité dans les relations futures entre le Royaume-Uni et l’Union. La problématique de la collecte des preuves fût également abordée avec ces mêmes questions : quels seront les futurs instruments adoptés par l’UE et le Royaume-Uni ? et, surtout, seront-ils aussi efficaces que le mandat d’arrêt européen ou que le mécanisme de décision d’enquête européenne en matière pénale ?

À la fin de cette première journée, la conférence tenait ses promesses en termes de profondeur des débats, de substances et des hypothèses avancées. Le public semblait satisfait et prêt à entamer le deuxième acte le lendemain matin. Rideaux.

Une période d’incertitudes…

Il revenait aux praticiens et acteurs de la coopération judiciaire et policière au sein de l’Union (à savoir, notamment, aux agents d’Eurojust et d’Europol) d’ouvrir le bal. Certains académiques et le secrétaire du réseau judiciaire européen (European Judicial Network), Ola Löfgren, purent aussi exposer leurs opinions et présenter le rôle de ces acteurs en cette période d’incertitudes liée au Brexit. Que pouvaient-ils faire ? Qu’ont-ils fait ? et Que peuvent-ils encore faire aujourd’hui pour préparer le Brexit et anticiper tous les scénarios ? Les réponses à ces questions rythmèrent ainsi la troisième et dernière session de la conférence.

Finalement, une table ronde composée d’académiques, principalement britanniques, hérita de la lourde tâche ou du privilège – c’est selon – de conclure cette conférence. Les débats faisaient rage entre les différents intervenants, pas toujours d’accord sur l’issue et même l’opportunité d’un Brexit. Le temps manquait toutefois aux orateurs et la Professeure Rosaria Sicurella (Université de Catane), présidente de cette table ronde, mit fin aux discussions pour rendre la parole à la Professeure Anne Weyembergh pour clore cette conférence annuelle célébrant le 15ème anniversaire du réseau Eclan.

Session après session, intervenant après intervenant, les mots d’ordre de cette conférence furent certainement « nous ne savons pas » ce qu’il va se passer jusqu’au 31 octobre et au-delà. Durant cette période d’incertitudes, la seule possibilité laissée aux orateurs pour guider leurs interventions était d’examiner les différents scénarios possibles, ce qu’ils accomplirent brillamment.