Luis Bouza García est professeur en Science politique à l’Universidad Autónoma de Madrid. Il est membre du réseau Jean Monnet OpenEUdebate.


Si les partisans d’une Europe unie regrettent depuis au moins les années 90 le manque d’intérêt de l’opinion pour l’UE, ils seraient aujourd’hui presque tentés de renouer avec le récit d’une Europe bénévolement ignorée des citoyens. Les affaires européennes sont devenues des questions centrales de la politique nationale – les gouvernements italiens, hongrois, polonais et autrichien sont dirigés ou fortement influencés par des partis eurosceptiques – mais cela n’a pas produit les transferts de loyautés des conséquences attendues par les néofonctionnalistes: l’opinion publique reste clivée dans son soutien à l’UE, les couvertures médiatiques sont de plus en plus critiques et les nouvelles fausses sur l’Europe biaisent les perceptions citoyennes alors que le débat sur le futur de l’UE se pose pour l’après Brexit et les élections européennes. Cette nationalisation des oppositions partisanes l’Europe se produit aussi à l’opposé, avec l’apparition ou la réorganisation dans certains États membres – et surtout la France – de forces faisant du progrès du projet européen et la défense de ses valeurs le centre de leur projet.

Cette opposition entre pro-européens et nationalistes est le cadrage choisi par nombreuses forces politiques, médias et les institutions européennes elles-mêmes dans la préparation des élections européennes de mai 2019.  Ce cadrage a le mérite de rendre visibles les enjeux que le débat sur l’Europe implique pour nos sociétés et de faire voir aux citoyens qu’il leur revient de résoudre ce débat par le vote. Or il convient d’aborder autrement le débat sur le futur de l’Europe pour un bon nombre de raisons.

D’abord, l’opposition entre pro et anti européens comme principal clivage est problématique et risque de fausser le débat. D’une part le fiasco des partisans du Brexit a transformé les positions des forces contraires à l’intégration européenne qui ne promettent plus d’abandonner l’UE mais de la transformer de l’intérieur. Ensuite parmi les pro-européens il se pose aussi des questions sur le degré d’engagement de nombreuses forces pour une intégration plus poussée, tel que le montre l’échange de lettres entre Macron et Kramp Karrenbauer. Ce débat normalise aussi une opposition antagoniste et non agoniste, tant elle se pose sur un enjeu de nature constituante – l’appartenance à l’Europe – et non sur les politiques souhaitées. Dans ce sens le soutien à ce projet de la part des pro-Européens est particulièrement risqué car il fait pivoter l’engagement de responsabilités et l’alternance politiques sur une opposition qu’elle juge incompatible avec des aspects centraux de la constitution. Même s’il est vrai que les forces contraires à l’intégration européenne ne sont plus pour la sortie, ce type d’oppositions favorise les débats polarisés sur l’Europe et non entre des projets différents.

Pour faire cela le réseau Jean Monnet Open EU Debate a organisé plusieurs forums de discussion pour des visions contrastées de l’Union européenne qui vont déboucher sur une journée de débat organisée dans les locaux de la Faculté d’Architecture La Cambre Horta de l’ULB (Place Flagey 19) le 20 mars de 9h à 17h30. Les étudiants des universités membres du projet ont préparé la réunion en discutant des alternatives politiques pour l’Europe par exemple le développement durable à Madrid ou sur l’emploi des jeunes et l’assurance chômage à Bucarest pour ensuite participer au débat sur le futur de l’Europe sur trois questions qui peuvent être répondues en ligne pendant les activités du 20/03 à Bruxelles.

 

Citizen Debate: The Europe we want, the Europe we need! March 20, 2019

Citizen Debate: The Europe we want, the Europe we need!March 20, 2019Faculty of Architecture ULB (Place Flagey, 19), Brussels. This Wednesday, March 20th, 4 EU political party representatives will be confronted to the results of a citizen consultation on the future of the EU and the expectations towards a new European Commission, in the context of a day of debates organized by the Jean Monnet network Open EU Debate. The theme: The Europe We Want, the Europe We Need! Maria Arena (MEP-PS), Saskia Bricmont (Ecolo), Petra De Sutter (Groen) and Luis Garicano (ALDE) as well as journalists, civil society representatives and academics will discuss the ideas and proposals emanated from the consultation of over 100 youth, mostly from Belgian universities. This debate will gather youth from Belgian universities ULB and VUB as well as from partner organizations Universidad Autonoma de Madrid and Bucharest’s National School of Political Science and Public Administration. You can also take part and voice your opinion about the EU you want and your expectations for the new European Commission.

Publiée par Institut d'études européennes ULB sur Mercredi 20 mars 2019

 

Nous pensons que cette méthode constitue une bonne pratique de débat : les consultations citoyennes peuvent contribuer à agréger les demandes des citoyens sur l’Europe à condition que les participants représentent la diversité de la société et qu’ils aient pu avoir accès à des informations fiables et le temps de considérer les alternatives. Malheureusement les pratiques européennes en matière de participation citoyenne manquent trop souvent de temps et diversité : puisqu’elles ont gagné en popularité avec les initiatives du président Macron il convient donc de discuter comment rendre ces opportunités de participation plus substantielles pour améliorer le débat sur le futur de l’Europe.

Nous avons vu souvent pendant la crise que les débats citoyens et les débats politiques sur l’Europe ont été déconnectés. Pour recréer des connexions notre réseau fait le pari du travail avec les médiateurs des débats sur l’Europe au niveau national plutôt que de lancer l’énième initiative de débat ou information transnationale. Les idées issues de nos débats seront ensuite discutées avec les médiateurs: des représentants politiques, des journalistes, des représentants de la société civile et des académiques. L’objectif de cette initiative est non seulement de donner la parole au plus grand nombre mais aussi de traduire ces débats sur l’Europe dans des alternatives politiques que les citoyens puissent ensuite choisir de soutenir.